La "matière noire virale" peut contribuer à atténuer le changement climatique

Des virus à ARN marins pourraient contribuer à l'absorption du carbone de l'atmosphère et à son stockage permanent au fond de l'océan. Le laboratoire Génomique Métabolique de l'Université d'Évry (Genoscope - CEA/CNRS) est impliqué dans cette découverte.

© CNRS
Photo : Marin Le Roux

Mieux comprendre l'écosystème océanique

Une étude approfondie des 5 500 espèces de virus à ARN marins récemment identifiées par les scientifiques dans les échantillons récoltés par Tara Oceans a révélé que plusieurs d'entre elles pourraient contribuer à l'absorption du carbone de l'atmosphère et à son stockage permanent au fond de l'océan. L'analyse suggère également qu'une petite partie de ces espèces nouvellement identifiées ont "volé" des gènes aux organismes qu'elles ont infectés, ce qui aide à identifier leurs hôtes présumés et leurs fonctions dans les processus marins. Ces résultats parus dans Science permettent de mieux comprendre le rôle considérable que ces minuscules particules jouent dans l'écosystème océanique.

Comme tous les virus, les espèces virales marines, en infectant un autre organisme, détournent à leur profit  la machinerie cellulaire de l’hôte pour fabriquer des copies d’elles-mêmes. Si cette infection peut être perçue négativement pour l'hôte, les activités d'un virus peuvent être bénéfiques pour l'environnement, par exemple en aidant à dissiper une prolifération d'algues nuisibles.

L'astuce pour définir leur place dans l'écosystème a consisté à obtenir des informations sur les fonctions et les hôtes des virus à ARN à partir de fragments de génomes. L'équipe a également utilisé plusieurs approches méthodologiques pour identifier les hôtes probables, en déduisant d'abord l'hôte sur la base de la classification des virus dans le contexte du plancton marin, puis en faisant des prédictions basées sur la façon dont les quantités de virus et d'hôtes "co-varient". La troisième stratégie consistait à trouver des preuves de l'intégration des virus à ARN dans les génomes cellulaires.

Alors que la plupart des virus à ADNdb infectent les bactéries et les archées, qui sont abondantes dans l'océan, cette nouvelle analyse a révélé que les virus à ARN infectent surtout les champignons et les eucaryotes microbiens et, dans une moindre mesure, les invertébrés. Seule une infime partie des virus à ARN marins infecte les bactéries.

L'analyse a également permis de découvrir 72 gènes métaboliques auxiliaires (AMG) discernables et fonctionnellement différents, répartis parmi 95 virus à ARN. Ces résultats ont été particulièrement informatifs pour déterminer les hôtes de ces virus et les processus métaboliques en action, qu'ils tentent de reprogrammer afin de maximiser la "fabrication" de virus dans les océans.

Une analyse plus poussée basée sur les réseaux a permis d'identifier 1 243 espèces de virus à ARN liées à l'exportation du carbone, 11 d'entre elles seraient probablement  impliquées dans l'exportation vers les fonds marins. Parmi celles-ci, deux virus liés à des hôtes de la famille des algues ont été sélectionnés comme les cibles les plus prometteuses pour le suivi.

Ces virus à ARN ont été détectés dans des échantillons de plancton collectés par Tara Oceans, une étude mondiale en cours à bord de la goélette Tara sur l'impact du changement climatique sur les océans du monde.

 

 

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