Abdelhafid Bendahmane : La mécanique des fleurs

Melon, concombre, tomate ou pois… Abdelhafid Bendahmane a trouvé là ses objets de recherche. Entre déterminisme du sexe et sélection variétale, il y avait un pas qu’il a franchi avec audace et stratégie combinant avec succès génomique et post-génomique. Il reçoit le Laurier Inra 2018 « Défi scientifique ».

Le laboratoire d’Abdelhafid Bendahmane, directeur de recherche au sein de l’Institut des sciences des plantes de Paris-Saclay (IPS2-CNRS/Inra/Université Evry Val-d'Essonne/Université Paris-Diderot/Université Paris-Sud) du Centre Inra Ile-de-France – Versailles-Grignon, cela tient à la fois du jardin extraordinaire et d’une toile de Giuseppe Arcimboldo. Dans cet univers dédié aux plantes d’intérêt agronomique, où les jeunes pousses de demain côtoient les chercheurs confirmés, où les techniques les plus performantes sont au service d’une recherche de pointe, A. Bendahmane a construit une expertise internationale en matière de génomique et sélection des plantes. Retour sur la carrière d’un risque-tout qui conjugue avec brio recherche fondamentale et appliquée et reçoit aujourd’hui le Laurier « Défi scientifique » de l’Inra.

C’est avec un enthousiasme enjoué qu’A. Bendahmane évoque son parcours.

Les premières années de sa carrière, il les consacre aux relations plantes/pathogènes dans différents laboratoires européens. En 1999, il rejoint l’Inra où il développe des projets de recherche translationnelle, cherchant à faire le lien entre recherche fondamentale et vie quotidienne, au sein de l’unité de recherche en Génomique végétale (aujourd’hui partie prenante d’IPS2), nouvellement créée et dirigée par Michel Caboche, « un visionnaire qui a influencé toute la recherche sur la génomique des plantes en France ». 

Oser et savoir convaincre

Très vite, Abdelhafid Bendahmane va jeter son dévolu sur les plantes d’intérêt agronomique et le matériel génétique que l’Inra a créé dans ce domaine, désireux de lui donner plus de valeur. Dans cette aventure, fort du soutien de sa hiérarchie, il travaillera d’arrache-pied, établissant une plateforme de génomique fonctionnelle dédiée à l’analyse génomique, sélectionnant avec ses collègues de nombreux gènes d’intérêt agronomique et nouant de multiples collaborations qui lui permettront de cloner et d’identifier ces gènes.

Alors que la génomique bat son plein, il choisit d’aller plus loin et s’engage dans la voie de la post-génomique. Il fait alors le pari d’accélérer ce qu’il considère comme un goulet d’étranglement en biologie végétale : valider chez les plantes les concepts issus des données de l’analyse de leurs génomes. A la faveur de projets de grande ampleur, il va créer d’importantes collections de mutants - ce sont plus de 500 gènes d’intérêt agronomique qui seront analysés et des milliers d’allèles qui seront identifiés et phénotypés dont plusieurs seront mis à disposition de la filière et des laboratoires de recherche de France et du monde entier.

Au fil des années, ce qui était une stratégie audacieuse devient une réussite d’équipe dont le succès tient en quelques chiffres : plus de 20 gènes d’intérêt agronomique clonés et identifiés dont des gènes de résistance aux maladies ou impliqués dans le développement de la plante ; quelque 80 publications et huit brevets.

Au royaume des Cucurbitacées

Un contact avec Michel Pitrat et Catherine Dogimont (Inra Provence-Alpes Côte d’Azur) va se révéler déterminant. Il conduit au clonage des gènes de détermination sexuelle du melon et à la mise en évidence d’un mécanisme sous-jacent jusqu'alors inconnu chez les Cucurbitacées.  Cette découverte, qui permet d’envisager de produire plus de plantes femelles, à l'origine de la formation des fruits, et donc d’améliorer les rendements, va se révéler essentielle dans le domaine de la sélection variétale. Elle conforte la position leader d’A. Bendahmane et son équipe dans le domaine de la détermination du sexe des plantes et du développement des fleurs et leur vaut de recevoir une bourse du Conseil européen de la recherche (2013).

A. Bendahmane et son équipe vont poursuivre leurs travaux, désireux de transférer les connaissances acquises sur des Cucurbitacées européennes à des espèces largement consommées dans certains pays d’Asie mais éloignées jusque-là des moyens modernes de sélection variétale (calebasse, parwal…).

Aujourd’hui, celui dont on dit qu’il est « sans aucun doute l'un des chercheurs les plus créatifs dans le domaine de la science végétale » reçoit, avec la modestie qui le caractérise, le Laurier Inra 2018 du « Défi scientifique ». On évoque ses compétences scientifiques exceptionnelles, sa motivation à transformer ses résultats académiques en innovation pour l'agriculture et ses capacités à sceller des collaborations avec des partenaires académiques et socio-économiques, lui dédie ce Laurier à son équipe, à tous ceux qui ont écrit une partie de l’histoire, ou qui sont en train d’écrire la suite, saluant au passage ceux qui ont cru en lui et l’ont suivi dans l’aventure.

Voir le reportage vidéo dédié sur le site de l'Inra

La version originale de ce portrait a été publiée sur le site de l'INRA.

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