Un Prix La Recherche pour une équipe du laboratoire IPS2

En novembre 2016, un consortium de chercheurs de l’Institut des Plantes de Paris-Saclay (IPS2) mené par le Dr Abdelhafid Bendahmane, directeur de recherche INRA, a été récompensé du Prix La Recherche catégorie « Biologie » pour son étude menée sur le sexe des cucurbitacées.

L’équipe est en effet parvenue à identifier un gène majeur responsable du changement de sexe chez les cucurbitacées. Une découverte notable qui ouvre la voie à l’amélioration de la production des rendements.

Nous avons rencontré Adnane Boualem, chercheur en génétique au laboratoire IPS2, responsable de ces recherches.

Ce Prix La Recherche vient récompenser dix ans de travaux. Comment ont-ils été conduits ?

Nos travaux ont débuté en 2002, à la suite d’une enquête menée auprès de nos collègues chercheurs à l’INRA, dont est ressortie la nécessité d’identifier les gènes qui contrôlent le déterminisme du sexe chez les plantes. Une recherche inédite.

Après avoir identifié comment les fleurs femelles peuvent se transformer en fleurs hermaphrodites (Boualem et al., Science, 2008) puis comment les fleurs males peuvent se transformer en fleurs femelles (Martin et al., Nature, 2009), notre dernière publication parue dans Science et qui nous a valu ce prix La Recherche expose comment les deux types sexuels, mâle et femelle, peuvent être présents sur une même plante. Comprendre la biologie du déterminisme sexuel est un sujet de recherche capital car c’est ce qui conditionne le rendement, puisque la majorité des fruits et légumes que nous mangeons sont issus de fleurs femelles.

Ainsi, pour la production, l’exploitant peut choisir de planter une rangée de plants femelles et une rangée de plants mâles, et laisser la pollinisation naturelle opérer, ou préférer des plantations hermaphrodites.

 

Que vous apporte cette distinction ?

Le Prix La Recherche est attribué à titre purement honorifique. Ce qui est un grand honneur, d’autant qu’il portait sur l’intégralité des domaines de la mention « biologie », végétal et animal confondus.

Surtout, ce prix récompense les travaux de toute une équipe, et tous les acteurs de la publication étaient présents à sa remise le 30 novembre au Museum national d’histoire naturelle (Paris). Je pense et j’espère que cela va permettre de médiatiser un peu cette thématique de recherche et ses belles découvertes, qui ont des applications concrètes pour la société.

 

Le laboratoire IPS2 met donc en application les résultats de ses recherches ?

Notre laboratoire combine une recherche fondamentale, appliquée et innovante qui nous a permis de mieux comprendre les mécanismes génétiques et moléculaires qui contrôle le déterminisme du sexe. Les résultats de nos recherches sont actuellement transférés vers plusieurs partenaires socio-économiques de l’INRA, institut de recherche finalisée et cotutelle du laboratoire IPS2.

 

 

Vos découvertes laissent entrevoir une possible amélioration des récoltes agricoles ?

Les trois gènes qui ont été identifiés entre 2008 et 2015 ont donné lieu à trois brevets. Des licences d’exploitation ont été signées avec des sociétés privées, particulièrement pour le caractère femelle.

Aujourd’hui, nous savons également quelles combinaisons génétiques permet le développement d’une fleur mâle, femelle ou hermaphrodite. Ainsi en analysant le génome d’une plante, on peut prévoir le type sexuel de futures fleurs. Un gain énorme pour pépiniéristes et producteurs, qui n’auront plus à attendre la floraison pour connaître le caractère sexuel de leurs plantations.

 

Ces recherches peuvent-elles être étendues à d’autres plantes que les cucurbitacées ?

Le même trio de gènes se retrouve chez le melon, le concombre, la pastèque, la courgette et de nombreuses cucurbitacées consommées dans d’autres pays. Il semble donc que le mécanisme soit conservé. Aujourd’hui, nous étudions la possibilité de transposer ces résultats à d’autres espèces en utilisant la plante modèle Arabidopsis thaliana.

 

Cette manipulation génétique a-t-elle à voir avec les OGM ?

Nous ne recourons pas du tout aux OGM, puisqu’à l’état naturel les cucurbitacées développent des fleurs mâles, femelles ou hermaphrodites. Nous avons simplement élucidé les mécanismes moléculaires pour trouver les gènes responsables de ce phénomène, des gènes déjà présents dans la plante. Ce dont nous sommes capables, c’est de génotyper une plante, comme un fœtus : avec une prise de sang, on peut savoir s’il a un chromosome X ou Y. Les croisements que nous produisons sont donc naturels, opérés grâce aux prédictions que nous sommes capables de faire.


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