Rencontre avec Rasmina, lauréate du Prix Gisèle Halimi

Publié le :
4
avr. 2025
Rasmina Houmadi Oili, étudiante en L2 sociologie à l’Université Évry Paris-Saclay, a reçu le 10 février dernier le prix d'éloquence « Gisèle Halimi » au théâtre de l'Odéon. Vice-présidente de l'association « Haki Za Wanatsa » à Mayotte, elle a témoigné avec passion et conviction de son combat pour la dignité des enfants et des femmes dans son département. Organisé depuis sept ans par la Fondation des Femmes "pour dénoncer le sexisme par le verbe.", ce concours national regroupait sept autres oratrices. Retour sur son combat et ce prix, avec Rasmina Houmadi Oili.
Rasmina Houmadi Oili, pouvez-vous présenter et nous relater votre parcours ?
Je m’appelle Houmadi Oili Rasmina, étudiante en sociologie à l’Université Évry Paris-Saclay. Mon engagement a débuté lors d’un colloque de « Haki Za Wanatsa », où j’ai publiquement dénoncé les violences sexuelles que j’ai subies, un témoignage qui m’a permis de retrouver ma voix et de poser des mots sur une souffrance longtemps tue. J’ai ensuite rejoint l’association, d’abord comme bénévole, puis chargée de mission pour sensibiliser et lutter contre ces violences. Aujourd’hui vice-présidente, je continue ce combat en défendant les autres tout en apprenant à me reconstruire.
Quelles sont les missions de votre association ?
L’association promeut les droits des enfants et des femmes et lutte contre toutes formes de violence. Elle agit sur le terrain depuis 2018 via des interventions dans les établissements, communes et structures partenaires. Chaque année, elle organise une grande campagne de sensibilisation avec débats jeunes, appel à projets académiques et un colloque célébrant la CIDE. L’objectif : faire entendre la voix des jeunes jusqu’aux plus hautes instances comme le Sénat, l’Assemblée nationale et l’Élysée.
Pouvez-vous nous faire part de votre expérience lors du concours Giselle Halimi, votre objectif et le sujet abordé ?
Lors du concours Gisèle Halimi, on m’a proposé de parler du droit de vivre dans la dignité en huit minutes. Venant d’un territoire d’indignité, j’ai réalisé qu’on ne se demande même plus si l’on vit dignement, tant d’autres urgences prennent le dessus. J’ai alors décidé de dépeindre la réalité de Mayotte, ce territoire abandonné où survivre est un défi quotidien. Mon objectif n’était pas de gagner, mais de faire entendre la voix mahoraise devant les 800 personnes présentes. Mon but était clair : dénoncer l’oubli et l’injustice.
Quel effet cela vous a fait et était-ce une surprise pour vous ?
Recevoir ce prix a été une vraie surprise, car jamais je n’avais envisagé de gagner. Pendant toute la préparation, mon seul objectif était de dénoncer la réalité que vivent les Mahorais, pas de me démarquer. Je ne me sentais pas légitime, car j’avais simplement exposé nos souffrances. Alors, quand le prix m’a été remis, j’ai dit au jury : « Ce n’est pas à moi, c’est à eux » car c’est pour eux que j’ai parlé, et je lui ai même demandé de me gifler pour me réveiller et m’expliquer ce qui se passait, tellement c’était irréel pour moi.
Aviez-vous déjà l'expérience de la prise de parole, du témoignage
Oui, j’ai déjà l’expérience de la prise de parole et du témoignage. Mon engagement m’amène régulièrement à m’exprimer devant les plus hautes instances comme le Sénat, l’Assemblée nationale, le CESE ou encore le Ministère de la Santé. Je défends les droits des enfants, l’égalité des territoires ultramarins et l’égalité de genre. En 2023-2024, j’ai notamment porté la campagne pour une éducation affective, relationnelle et sexuelle aux côtés de la délégation jeunes de Mayotte, jusqu’au Palais de l’Élysée, quatre semaines avant le cyclone Chido.
Pensez-vous que ce prix permettra de faire changer les choses ?
Je ne crois pas qu’un prix, à lui seul, puisse changer les choses. Mais s’il peut servir de projecteur, alors je veux qu’il éclaire ce que beaucoup refusent encore de voir : l’injustice, l’oubli, et la violence que vivent les Mahorais, en particulier les enfants et les femmes. Ce prix ne résout rien, mais il me donne une tribune de plus pour continuer à dénoncer, à déranger, à éveiller les consciences. Si des décideurs écoutent enfin, alors peut-être, oui, quelque chose pourra commencer à bouger.