Jean-Marc Aury, l’informatique au service de la génomique

Pour ce bio-informaticien, être parmi les premiers à découvrir le génome d’un organisme est une chance incroyable.

Il aurait pu travailler dans une banque. C’est d’ailleurs ce que qu’envisageaient beaucoup de ses condisciples à l’Ecole nationale supérieure d’informatique pour l’industrie et l’entreprise (ENSIIE) à Évry. Mais Jean-Marc Aury rêvait d’autre chose. Aussi quand il a vu s’ouvrir un DEA (aujourd’hui Master 2) d’informatique appliqué à la biologie moléculaire, il n’a pas hésité.

©photo Université Paris-Saclay

Révéler des milliers de gènes

Par Scubalex — Travail personnel, FAL, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2890216Son stage au Génoscope, laboratoire de l'Université d'Évry, est une révélation : il y développe un programme pour étudier le génome (l’ensemble des gènes) d’un poisson, le tétraodon, qui a l’avantage de posséder un petit génome, plus facile à décrypter. S’ensuit un poste en 2003.

C’était les débuts de la bio-informatique, se souvient-il. Il y avait beaucoup de besoins et peu de personnes formées à la bioinformatique. Je garde en souvenir, les réunions déjeuners de fin semaine, où chaque vendredi pendant plusieurs heures nous devions présenter nos méthodes, nos résultats et convaincre. C’était assez irréaliste de se retrouver là, à expliquer au directeur du Genoscope, Jean Weissenbach, comment nous allions annoter les gènes, surtout pour moi qui était un complet débutant dans le monde de la génomique. Irréaliste mais finalement pas improbable, car 17 ans plus tard, je travaille toujours au Genoscope.

Son travail : gérer et animer son laboratoire d’une quinzaine de personnes, et écrire des programmes pour analyser le génome, c’est-à-dire découvrir la suite de « lettres » (les paires de base) d’un génome. Une fois ce génome séquencé, il faut annoter les gènes : repérer les régions codantes (qui permettent à l’organisme de produire des protéines), regarder leurs fonctions… « Or, un génome contient plusieurs milliers de gènes, rappelle Jean-Marc Aury, donc il faut informatiser ces tâches. »

Puzzle géant

Au quotidien, cela ressemble à un grand casse-tête. On ne sait pas séquencer le génome d’un coup, il faut le fragmenter en portions de 100 ou 200 paires de base. Alors que le génome humain en comporte environ 3 milliards ! Il faut ensuite reconstituer informatiquement ce gigantesque puzzle.

Monotone ? Au contraire ! « Etre les premiers à découvrir un génome est une chance incroyable ! » s’enthousiasme le bio-informaticien. Cette sensation d’être pionnier est renforcée par l’intérêt des recherches menées. Par exemple séquencer le chêne pour comprendre la manière dont il s’est adapté aux différents climats, et ainsi aider les forestiers à mieux anticiper le réchauffement climatique. Ou découvrir les gènes de milliers d’espèces marines récoltées dans le cadre du projet Tara Océans. « Le nombre de questions que l’on peut se poser en biologie est infini, la part d’inconnu est immense », constate-t-il.

Technologies nouvelles

Les évolutions technologiques du séquençage sont aussi un puissant remède contre la monotonie. Par exemple, une nouvelle technique se développe actuellement, dite « à nanopores ». On fait passer l’ADN à travers un pore de taille minuscule, au sein duquel un courant électrique est capable de mesurer quelle paire de base est en train de passer. On peut ainsi séquencer des fragments bien plus longs qu’avec les techniques traditionnelles. Mais, revers de la médaille, la lecture contient un plus grand taux d’erreur. Jean-Marc Aury et les membres de son laboratoire conçoivent donc des programmes adaptés à ce type de données. « Il y a beaucoup d’avancées technologiques, ça va très vite. Il faut adapter les outils, les tester, c’est très stimulant ! », souligne-t-il.

Publier dans des revues scientifiques prestigieuses, collaborer avec des chercheurs de différents pays et différents domaines, biologistes, généticiens, informaticiens, climatologues… voilà également ce qui motive Jean-Marc Aury au quotidien. Il mesure la chance que son école d’ingénieur ait été située à Evry, capitale du génome. Sûr qu’il ne regrette pas d’avoir opté pour la génomique plutôt que la banque !

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