Parole de chercheur·e : la thérapie cellulaire expliquée par Christelle Monville

Christelle Monville, enseignante-chercheuse à l’Université d’Évry et au sein du laboratoire ISTEM, partage les grands principes de sa spécialité : la thérapie cellulaire. Elle présente également le travail sur lequel se concentre son laboratoire depuis des années. Récemment, il a pris une autre tournure avec l’autorisation de pratiquer des essais cliniques.

Là où la thérapie génique ne parviendra pas à soigner un patient de l’intérieur à l’aide de vecteurs viraux, la thérapie cellulaire puisera de quoi le guérir à l’extérieur.

Les applications de la thérapie cellulaire

Fort pratiquée et maitrisée depuis longtemps, l’une des applications les plus répandues est l’utilisation de la cellule souche cutanée pour produire de l’épiderme redistribué ensuite aux grand·e·s brûlé·e·s.

Deux types de greffe sont possibles en fonction de la pathologie à traiter : l’autogreffe et l’allogreffe.

  • L'autogreffe 

Cette technique tient son nom des cellules dites « autologues », c’est-à-dire les cellules prélevées du/de la patient·e lui-même/elle-même.

Modifiant génétiquement la cellule du/de la patient·e, elle est extrêmement encourageante. Citons le cas des bébé-bulles, victimes de graves problèmes de défense immunitaire. Une injection unique composée de cellules prélevées puis modifiées les guérirait complètement. 

Néanmoins, cette solution est plus risquée, plus coûteuse et moins tournée vers l’intérêt général. La production est donc préférée à la modification lorsque cela est possible

  • L'allogreffe

À l’inverse, l’allogreffe tient son nom de cellules dites « allogènes », c’est-à-dire des cellules issues de donneur·se·s extérieurs.

Elle consiste à injecter des cellules saines au/ à la patient·e ne présentant à priori aucun problème, même s’il y a toujours un risque de prédisposition. Citons le cas du diabète de type 1 dont la faible production d’insuline de la part des cellules est responsable. Une injection de cellules, génétiquement modifiées par la thérapie génique, issues de donneur·se·s extérieurs permettrait de pallier à ce problème en surproduisant de l’insuline.

L’allogreffe, ou le recours à des donneurs : quels sont les risques ?

L’allogreffe s’accompagne du risque que les donneur·se·s aient des prédispositions à certaines maladies. Cela veut dire que lors du don, la santé du/de la donneur·se est irréprochable, mais néanmoins il/elle n’est pas à l’abri d’une maladie en puissance qui se déclencherait par la suite. 

Pour résoudre ce problème, les médecins, chercheur·se·s et clinicien·ne·s ont identifié une série de marqueurs permettant d’exclure certain·e·s donneur·se·s en fonction des pathologies.

Néanmoins, un autre problème est alors mis en exergue : celui de l’insuffisance de donneur·se·s par rapport aux patient·e·s. 

Les différentes cellules utilisées pour la thérapie cellulaire

Les cellules « multipotentes » sont couramment utilisées dans les essais cliniques, mais avec le recul ne sont pas entièrement satisfaisantes étant donné que leur capacité de différenciation est limitée. Par exemple, les cellules mésenchymateuses issues de la moelle osseuse ont comme cellules dérivées principales les cellules sanguines. Il sera plus difficile d’en extraire des cellules de la peau ou du cerveau.  

Les cellules pluripotentes : méthode alternative pour pallier l’insuffisance des donneur·se·s sains par rapport aux patient·e·s

Face à cette limite, des chercheur·se·s comme Christelle Monville travaillent à des cellules souches dites « pluripotentes » ayant deux caractéristiques intéressantes :

  • Elles se multiplient à l’infini
  • Elles peuvent se « différencier » c’est-à-dire donner naissance à tous les tissus et différents types de cellules de l’organisme

Il en existe de deux sortes :

1. Les cellules souches embryonnaires

Elles proviennent des embryons issus de la procréation médicalement assistée, en fécondation in vitro. Ces cellules ont un fort potentiel de prolifération pouvant se multiplier en des milliards de cellules

2. Les IPS « Induced Pluripotent Stem Cells »

Elles sont obtenues par modifications génétiques de cellules adultes dont le résultat est une sorte de « rembobinage » du programme de différenciation de la cellule la ramenant à l’état embryonnaire avec tous les avantages induits. 

La possibilité d’un rejet de greffe de cellules ?

Le rejet d’une greffe est possible en fonction de plusieurs facteurs : endroit, type cellulaire, quantité de cellules injectées.

1. Dans le cas des cellules pluripotentes

Les premiers essais cliniques concernant les cellules souches pluripotentes concernent surtout l’œil où l’on observe moins de rejets de greffe à la différence du cœur. Cependant, dans le cadre d’allogreffes, il est nécessaire de traiter le patient avec des immunosupresseurs utilisés pour éviter le rejet de greffes.

2. Dans le cas des cellules multipotentes

Les risques existent mais sont moindres que dans le cas d’une greffe d’organe. En fait, le principal risque surtout, c’est que l’organisme élimine les cellules injectées et que l’effet thérapeutique souhaité ne soit pas au rendez-vous. 

Risque d’un cancer au moment de la différenciation des cellules pluripotentes

Il existe un risque que la différenciation ne soit pas correctement effectuée ce qui entraînerait un cancer. De multiples contrôles sont effectués pour éviter ce problème, notamment la vérification que toutes les cellules souches pluripotentes ont bien été éliminées. 

Les travaux de l’équipe

L’équipe de l’ISTEM travaille essentiellement sur les maladies génétiques de la rétine, plus précisément sur une famille de maladies : les rétinites pigmentaires. Elles concernent les cellules photo-réceptrices, c’est-à-dire les cônes et les bâtonnets de la rétine. Ces cellules permettent de voir des images. Les cellules de soutien des photorécepteurs sont également concernées par cette maladie, lorsqu’elles meurent elles entrainent la mort des cellules photo-réceptrices.

Le travail de l’équipe consiste à fabriquer une sorte de « patch » qui compensera les cellules de soutien des photorécepteurs avant que la maladie ne soit trop avancée de façon à éviter la mort des cellules photo-réceptrices.

Toutes les études de sécurité ont été menées, c’est-à-dire s’assurer de : l’absence de cellules souches et d’une prolifération anormale.

Le « patch » qui a été mis en place est autorisé à l’essai clinique depuis le début de l’année 2019 et l’essai effectif en automne. 

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