Portrait de doctorante : Oriane Della-Negra

Oriane, doctorante à l'Université d'Évry mène sa thèse au sein de l'UMR Génomique Métabolique (GM) sur la chlordécone, un pesticide utilisé aux Antilles françaises malgré sa toxicité.

Elle cherche à comprendre comment ce pesticide se dégrade en présence de bactéries, une solution naturelle pour faire disparaître la chlordécone de l'environnement.

Son travail de recherche a été choisi pour être travaillé sous forme de Bande Dessinée dans le livre "Sciences en Bulles" à l'occasion de la Fête de la Science 2020.

Un parcours scolaire riche, toujours orienté vers la Recherche

Oriane est essonnienne. Elle a obtenu son Bac scientifique en 2012. Puis, elle a fait une classe préparatoire physique-chimie qui lui a permis d’intégrer une école d’ingénieur, en chimie. Dans le cadre de sa dernière année à l'école d'ingénieur, Oriane a eu l’opportunité de faire un Master 2 en Océanographie dans une université au Vietnam.  

"Mes parents sont dans la Recherche; j'ai été baignée dans ce milieu depuis toute petite. J'ai effectué de nombreux stages lors de mes études, toujours en Recherche, cela m'a toujours plu. Cela a confirmé ma volonté de continuer sur une thèse."

Une thèse ancrée dans le concret

Après avoir travaillé dans le domaine de la chimie organique, Oriane a souhaité s'attaquer à un autre domaine.

"C’est pour cela que je me suis dirigée vers le master en Océanographie et à l’issue de celui-ci, j'ai été amenée à faire un stage en microbiologie/océanographie qui m'a beaucoup plu. Mais comme mes stages précédents, il me manquait quelque chose. J’ai donc cherché une thèse qui combinait plusieurs disciplines et surtout qui ait un sens concret. Je trouve les thèses fondamentales très intéressantes mais

il fallait qu’il y ait quelque chose d’applicable, de concret après toute cette recherche."

L’étude des voies de dégradation d’un insecticide persistant, la chlordécone.

La chlordécone est un sujet d’actualité car cet organochloré (de formule brute C10Cl10O2H2) utilisé aux Antilles entre 1972 et 1993 dans les bananeraies est encore retrouvé aujourd’hui dans le sang de plus de 90% des Antillais.

Aux doses chroniques auxquelles la population est exposée, la chlordécone augmente, entre autres, les risques de survenue du cancer de la prostate, les risques de prématurité ainsi que des retards de développement chez les jeunes enfants. Aujourd’hui, il pose toujours problème car même s’il n’est plus utilisé, il persiste encore dans l'environnement (sols, rivière, littoral, nappes phréatiques) et se bio-accumule dans la chaîne alimentaire jusqu’à l’Homme (via l’eau, la viande, les œufs, le lait, les poissons, les crustacés et les végétaux contaminés).  

Une réglementation a été mise en place pour limiter l’exposition de la population. Par exemple, il est interdit de pêcher dans certains endroits, interdit de cultiver dans d’autres.

Dans ce contexte, je cherche avec le laboratoire à trouver un moyen de dégrader ce pesticide de façon biologique.

"Je travaille au sein du LB2MS (Laboratoire de Bioremédiation, Biocatalyse et Métabolisme Synthétique) dans la partie « bioremédiation ». L’objectif est d’utiliser des bactéries comme moyen de dégradation..

Avant que je n’arrive, plusieurs expériences ont été menées et une bactérie du genre Citrobacter capable de dégrader le pesticide a été isolée."

Mon rôle est de comprendre en quoi se transforme le pesticide lorsqu’il se dégrade. En effet, c’est important de comprendre les conséquences de la dégradation de façon à déterminer qu’il n’y ait aucun danger ensuite.

Une dégradation naturelle de la chlordécone ?

Oriane a débuté son travail il y a plus de deux ans. Suite à la découverte d’une bactérie dégradant la chlordécone, les produits de transformation générée au cours de cette dégradation ont pu être identifiés et leurs structures chimiques élucidées. Il se trouve que ces produits de transformation observés en laboratoire ont également été retrouvés dans des échantillons environnementaux de Martinique.

Nous nous sommes demandés si les produits identifiés en laboratoire pouvaient également être présents dans l’environnement. Et c'est le cas ! Nous en avons retrouvés plusieurs, ce qui atteste qu’il y a ou a eu une dégradation de la chlordécone dans l’environnement.

Néanmoins, nous sommes incapables de dire à quel point la dégradation est poussée et affirmer qu’il n’y aura plus rien dans cent ans.

Mais nous gardons bon espoir car nous avons constaté que la dégradation se produisait naturellement dans l’environnement.

Concrètement, que fait un doctorant ?

Oriane travaille plus particulièrement sur le volet chimique de la Recherche.

Elle fait des manipulations à la paillasse puis analyse ses résultats.

"Lorsque j’arrive au laboratoire, je mets en place une réaction chimique en utilisant évidemment la chlordécone, ma molécule de départ. Je cherche à la dégrader de différentes façons pour comprendre sa réactivité. Les réactions peuvent varier d’une heure à une semaine (voire plus) en fonction de ce que l’on veut faire.

Après avoir lancé cette réaction, je l’arrête et l’analyse pour voir ce que j’obtiens. Je prends des prélèvements et les analyse avec différents outils. On appelle cela chromatographie en phase gazeuse et la chromatographie en phase liquide déf.

Comme je travaille aussi en microbiologie, nous lançons également des cultures bactériennes. Nous prenons des bactéries que l’on les place dans des fioles avec un milieu adapté afin qu’elles se développent bien, on introduit ensuite la chlordécone ou la molécule que l’on cherche à dégrader. Les expériences peuvent durer plusieurs mois donc on les laisse en attente tout en faisant des prélèvements régulièrement afin de voir l’avancée de la dégradation."

Une expérience sur le terrain !

 

Oriane a fait du terrain en allant aux États-Unis où il y a eu une pollution engendrée par une usine qui produisait de la chlordécone en 1975. De grosses quantités de ce pesticide ont été reversées dans un fleuve entraînant une pollution massive. Comparativement aux Antilles, la pollution est plus restreinte et moins étendue. Elle a réalisé des prélèvements afin de les comparer avec ceux de la Martinique. L'objectif : voir si la chlordécone est toujours présente et si l’on peut également détecter des produits de transformation.

 

C’est intéressant de faire du terrain car on se rend compte qu’il y a énormément de contraintes entre ce que nous voulons sur le papier et la réalité de terrain.

Sur le terrain il était impossible de travailler dans des conditions strictement stériles ce qui est pourtant nécessaire aux microbiologistes. Oriane a embarqué sur un bateau pour partir forer le fond du fleuve et ainsi obtenir des échantillons grâce aux carottes sédimentaires remontées à bord.

Partir à l'étranger

Oriane termine sa thèse cette année et passe sa soutenance orale entre octobre et décembre.

Elle souhaite continuer dans la recherche sur un autre sujet et sans doute faire un post-doc à l’étranger.

Je marche beaucoup aux coups de cœurs, je vais fonctionner par attirance pour un sujet quelle que soit l’organisation. Pour le moment, je ne recherche pas. Je me concentre surtout sur ma thèse et ma soutenance.

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