Xavier Nissan : la passion de la recherche au service des malades

Passé de l’industrie pharmaceutique à la recherche académique, Xavier Nissan a gardé son cap : développer des médicaments qui aideront concrètement les malades. Les résultats sont au rendez-vous.

Photo : Jean-Yves Seguy / AFM Telethon

C’est un passionné. De biologie, d’abord, depuis le collège. De génétique, ensuite, lorsqu’il apprend que le gène responsable d’une maladie rare a été découvert. Passion d’être utile, enfin, lui qui s’efforce de mener des recherches concrètes au service des patients. Xavier Nissan est directeur de recherche à l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem), laboratoire de l’Université d’Évry, et il a le sentiment d’être à l’endroit où il doit être. « Je fais la science dont j’avais envie depuis le début », se réjouit-il.

Cellules « couteau suisse »

Son matériau, ce sont les cellules souches, ces cellules « couteau suisse » capable de devenir n’importe quelle cellule de l’organisme : neurone, peau, cellule cardiaque, muscle… Elles sont idéales pour étudier les maladies génétiques et développer des thérapies. « J’utilise les cellules souches de personnes malades pour comprendre ce qui ne fonctionne pas. Une fois le mécanisme identifié je m’en sert pour créer des médicaments », explique le chercheur. Les maladies visées sont des maladies génétiques rares (qui touchent moins d’une personne sur 2000). « Il y a 7000 à 8000 maladies rares différentes. Collectivement elles concernent près de 3 millions de personnes en France…Et pourtant à ce jour seulement 5% de ces malades dispose d’un traitement… c’est donc un problème de santé publique majeur ! L’une de ces maladies est particulièrement terrible : la progéria. Elle cause un vieillissement accéléré de l’enfant, avec une espérance moyenne de vie de 13 ans ».

Pourtant, Xavier Nissan ne s’est pas tout de suite dirigé vers la recherche académique. Il a débuté dans l’industrie pharmaceutique, par besoin de concret. « J’y ai appris beaucoup :  aussi bien de concevoir des médicaments, bien-sûr, mais aussi faire de belles rencontres avec des chercheurs passionnés qui m’ont convaincu qu’il fallait que je fasse mes armes dans la recherche académique. Je dois beaucoup à Olivier Curet et Mathias Kroll pour ça. Ils ont été le déclencheur de tout ce qu’il s’est passé ensuite. » Au même moment, en 2005, Marc Peschanski, qui dirigeait une équipe de recherche à l’Inserm, était en train de créer un nouvel institut de recherche sur les cellules souches au Genopole d’Évry. Xavier Nissan le contacte, et en moins de deux heures, l’affaire est entendue : ses compétences sont les bienvenues à l’I-Stem… qui n'était même pas encore créé. 

Mener ses propres recherches

D’erreurs en réussites, il acquiert une réelle expertise. L’institut s’est développé, d’une douzaine de personnes à près de 80 aujourd’hui. Xavier Nissan a d’abord travaillé sur les aspects technologiques, notamment le développement d’une plateforme au service des chercheurs. Mais cela restait un peu frustrant : « Je voulais mener mes propres recherches. Mais pour cela, il fallait que je passe par l’étape doctorat », se souvient-il. Va pour le doctorat, d’abord avec Gilles Waksman, puis au décès de celui-ci, avec Christine Baldeschi. Il y développe une méthode pour fabriquer de la peau à partir de cellules souches.

Après la thèse, nouveau choix à faire. Partir en « post-doc » (des postes de quelques années à l’étranger) ou rester à l’I-Stem ? Ce sera l’I-Stem, avec un nouveau thème de recherche, et un retour à ses premières amours : la progéria. Objectif : comprendre et traiter cette maladie. « Ce programme a été l’occasion pour moi de rencontrer puis de collaborer avec le scientifique qui m’avait donné envie de faire ce métier, Nicolas Levy. Aujourd’hui plus qu’un ami je le considère comme l’un de mes mentors. J’ai beaucoup appris à ses côtés pendant près de 10 ans. ». L’une des premières questions qu’il s’est posé a été de comprendre pourquoi les malades gardent toutes leurs capacités intellectuelles, puisque tous les tissus sont atteints, sauf le cerveau. Xavier Nissan et son équipe montrent que du micro-ARN présent dans les neurones empêche la fabrication de la progérine, la protéine causant le vieillissement accéléré. Dès lors, Xavier Nissan s’attèle à utiliser cette découverte pour développer un traitement. Aujourd’hui, plusieurs molécules s’avèrent prometteuses.

Confronter ses idées au réel

« J’ai pris goût à cette recherche, à l’interaction avec les scientifiques, à la confrontation entre nos idées et le réel, s’enthousiasme Xavier Nissan. Trouver des failles dans les mécanismes de la maladie, identifier des médicaments capables de les soigner, c’est passionnant. » Pendant ses 10 ans de travail sur la progéria, le chercheur peaufine sa démarche scientifique, et construit son équipe en recrutant et formant plusieurs doctorants et ingénieurs. Il se construit également lui-même au contact de ses deux mentors. « J’ai eu la chance de croiser la route de deux scientifiques de très haut niveau, Marc Peschanski et Nicolas Levy. J’ai appris mon métier à leurs côtés. Je leur dois autant personnellement que scientifiquement d’être la personne que je suis aujourd’hui. »

À partir de 2016, Xavier Nissan souhaite appliquer ses idées à d’autres maladies, pour aider d’autres patients. Cap sur les myopathies des ceintures, des maladies génétiques causant une dégénérescence des muscles du bassin ou des épaules. Ses mécanismes sont alors peu connus et les traitements inexistants. Xavier Nissan s’entoure de chercheurs et d’ingénieurs de haut niveau et son équipe vient d’identifier des médicaments très prometteurs contre cette maladie.

Intelligence artificielle et pharmacologie

Mais il ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. Il s’intéresse aujourd’hui au potentiel fabuleux de l’intelligence artificielle pour aider à comprendre les mécanismes d’action des maladies, et identifier des molécules capables de soigner plusieurs maladies. « Même si, au départ, les idées pour combattre les maladies viennent de chercheurs, il existe des limitations en fin de process, auxquelles notre intelligence ne peut pas répondre, explique Xavier Nissan. La puissance d’analyse de l’intelligence artificielle permet d’aller plus loin. » Par exemple, lorsqu’un candidat médicament est trouvé, il est nécessaire, d’en comprendre le mécanisme avant de pouvoir l’appliquer à l’humain. Cela peut prendre des années ! L’intelligence artificielle peut traiter des millions de données : les cibles des médicaments, les gènes étudiés, les modifications d’expression de ces gènes...  L’objectif final est de créer un outil qui permette de dire en quelques heures : « Voici le médicament le plus efficace pour traiter telle et telle maladie  et il agit de telle façon ». Pour développer ces outils, Xavier Nissan s’est entouré des meilleurs spécialistes du domaine et a créé le consortium DREAMS (Drug REpurposing and AI for Muscular disorderS). Ce réseau européen qu’il coordonne fait l’objet d’une demande de financement de plusieurs millions d’euros à la commission européenne.

Quant au chercheur, il est heureux. « Je suis à l’endroit où je dois être, avec un environnement scientifique académique et les moyens de l’industrie pharmaceutique. Le lien avec l’AFM Téléthon est fort, je suis en lien continu avec les malades et leurs familles. » Trouver des traitements requiert un travail d’équipe, une chaine de solidarité où chaque maillon est à la fois indispensable et en même temps inutile seul : chercheurs ingénieurs, techniciens, malades, bénévoles, donateurs...Nous avons un objectif commun : trouver des traitements. À cela s’ajoute bien-sûr le sentiment d’apporter concrètement quelque chose d’utile aux patients. « On n’oublie pas pourquoi on travaille, c’est un moteur pour nous. »

Retour à la liste d'actualités