Retour sur C’est avant tout une lente fabrique de bois

Publié le :
17
avr. 2025
Depuis juillet 2023, Karine Bonneval et Guillaume Hutzler collaborent sur des projets art et sciences- explorant les interactions entre les plantes et leur environnement. Leur première pièce, Se planter avec l’aralia, présentée en septembre 2024 à la Galerie Césaria Évora, mettait déjà en jeu un dispositif permettant de se connecter en direct à l’activité physiologique d’une plante.
Avec C’est avant tout une lente fabrique de bois, leur nouvelle création développée en résidence, ils poussent encore plus loin cette exploration. En partenariat avec le laboratoire IBISC (Informatique Bio-Informatique et Systèmes Complexes) de l’Université Évry Paris-Saclay et le PIAF (Physiologie Intégrative de l’Arbre en Environnement Fluctuant) de l’Université Clermont Auvergne et de l’INRAe, ils ont conçu un dispositif captant en temps réel les variations d’un arbre - un prunus - et traduisant ces données en une installation artistique interactive.
Observer l’invisible : mesurer les variations d’un arbre
Le projet repose sur un ensemble de capteurs intégrés à l’arbre, enregistrant des données sur sa croissance et son interaction avec l’environnement : un capteur de dilatation mesure les variations de diamètre d’une branche, indicateurs de son activité biologique, et un anémomètre, un capteur d’humidité et un autre de luminosité constituent une véritable station météo miniature intégrée à l’arbre, permettant de comprendre comment celui-ci s’adapte en permanence aux variations climatiques.
Ces données, invisibles à l’œil nu, sont ensuite retransmises en temps réel à une installation artistique où des éléments mobiles en papier et en cellulose recyclée réagissent aux changements relevés par les capteurs. Chaque élément est associé à l’un des quatre éléments naturels : la Terre (croissance de l’arbre), le Feu (luminosité), l’Eau (humidité) et l’Air (vent).
L’installation donne ainsi à voir et à percevoir la dynamique interne de l’arbre, révélant un organisme en perpétuel ajustement malgré son apparente immobilité.
Un dialogue entre art, science et technologie
Pour rendre visible ces micro-variations, Guillaume Hutzler, enseignant-chercheur en informatique et spécialiste des systèmes multi-agents, a conçu un dispositif inspiré des murmurations d’oiseaux. Grâce à des microcontrôleurs Raspberry et un assemblage mécanique en Lego, les variations des données environnementales influencent directement les mouvements des sculptures en papier.
Cette approche technique a été enrichie par la collaboration avec Ludovic Ishimonin, ingénieur système, qui a mis en place l’infrastructure d’enregistrement des données, et Hocine Yakoubi, ingénieur de recherche, qui a contribué à la conception électronique et imprimé en 3D des pièces permettant de stabiliser le dispositif. L’installation assume une esthétique ludique et transparente, où chaque élément du mécanisme reste visible, affirmant le lien entre art et science.
Une performance pour donner vie à l’installation
Le 18 avril, une performance réunira l’artiste Stéphanie Roussel et un chorégraphe pour expérimenter les interactions entre les mouvements humains et ceux de l’installation. Un moment d’exploration sensible, où les corps et les œuvres partagent un même espace d’adaptation et d’ajustement.
Une invitation à percevoir autrement
Avec C’est avant tout une lente fabrique de bois, Karine Bonneval et Guillaume Hutzler nous offrent une immersion dans le temps long du végétal. À travers ce dispositif sensible et interactif, ils nous invitent à percevoir autrement la vie des arbres, à ressentir leur dialogue silencieux avec l’environnement et, peut-être, à réinterroger notre propre manière d’habiter le monde.
Un projet rendu possible - grâce à Siana* - où art et science s’entrelacent, révélant la poésie cachée du vivant.
* Désormais installé à l’Université Évry Paris-Saclay depuis janvier 2025, SIANA, véritable laboratoire des arts numériques et hybrides, est un partenaire stratégique de l’université qui travaille en étroite collaboration avec le Pôle Arts et Culture. En créant des passerelles entre les artistes et les chercheurs, il soutient l’émergence de projets innovants à la croisée des arts et des sciences et dynamise la culture scientifique, technique et artistique sur notre campus.