Rencontre avec Marie-Anne Debily, chercheuse à l'Université d'Évry

Enseignante-Chercheuse à l'Université d'Évry, Marie-Anne Debily travaille à trouver un traitement contre certaines tumeurs cérébrales, incurables jusqu'à présent chez les enfants.
À la suite d'un essai clinique mené au sein de l'Institut Gustave Roussy, la tumeur a totalement disparu chez l'un d'eux : Lucas.

Son portrait

Marie-Anne Debily enseigne à l’Université d’Évry Paris-Saclay la génétique, la biologie moléculaire et la génomique. Elle effectue sa recherche à Gustave Roussy, qu’elle a intégré depuis dix ans, dans une équipe entièrement dédiée à l’étude de la génomique et de l’oncogenèse* des tumeurs cérébrales pédiatriques. Auparavant, elle effectuait ses recherches dans un laboratoire du CEA à Évry, avant que le Docteur Jacques Grill de Gustave Roussy ne lui propose de le rejoindre pour l'aider à structurer une équipe de recherche. Ayant toujours travaillé dans le domaine du cancer, elle a trouvé dans l’Institut Gustave Roussy un environnement médico-scientifique idéal pour développer des projets de recherche allant du fondamental à l’appliqué, du fait de la proximité avec les patients et de l’interaction constante avec les équipes de cliniciens. Ces interactions recherche/clinique sont assez uniques et en tout cas nécessaires pour ce type de recherche en lien étroit avec le soin. L’équipe s’est d’ailleurs considérablement étoffée depuis la venue de Marie-Anne Debily, afin de renforcer les projets du 1er pôle européen de lutte contre le cancer. Ses travaux portent sur la compréhension des mécanismes de l’oncogenèse des gliomes pédiatriques infiltrants de la ligne médiane**, et l’identification de nouvelles opportunités thérapeutiques. Cette maladie rare n’est pas héritée génétiquement mais résulte d’une altération apparue chez le patient et demeure incurable à l’exception du cas médiatique de Lucas  (voir notre encadré).

Parallèlement, Marie-Anne Debily a lancé depuis 4 ans, un projet de recherche autour de l’étude des prédispositions génétiques aux tumeurs cérébrales, ces dernières découlant d’une altération moléculaire héritée des parents.  Ce nouveau projet repose sur le déploiement de dispositifs techniques complexes, les organoïdes : micro-tissus multicellulaires en trois dimensions (3D) dérivés de cellules souches et conçus pour imiter fidèlement la structure et la fonctionnalité complexes des organes humains comme le poumon, le foie ou le cerveau, pour modéliser l’apparition des tumeurs cérébrales chez ces enfants. Cette recherche formule l’espoir de détecter mieux et plus précocement le développement de tumeurs. La difficulté principale en termes de santé publique pour ces enfants, est de détecter rapidement ces tumeurs grâce à des bio-marqueurs, par exemple dans le sang, plutôt que par des tests très invasifs ou coûteux comme les imageries IRM.

Comment passe-t-on de la recherche à la clinique ?  Pour la recherche fondamentale, il s’agit de comprendre à partir des cellules issues de ces tumeurs, quelles altérations sont intervenues. Pour cela l’ADN des tumeurs est séquencé au laboratoire. En parallèle, les cellules des patients sont mises en culture in vitro ce qui permet de tester des hypothèses sur les étapes du développement de la tumeur et d’évaluer de nouvelles approches thérapeutiques qui pourront ensuite être proposées aux patients en fonction des caractéristiques de leur tumeur. Les activités de recherche de Marie-Anne Debily montrent à quel point recherche fondamentale et clinique fonctionnent ici en étroite symbiose.

Guérir 100% des cancers pédiatriques : c’est l’ambitieux défi que Gustave Roussy s’est donné pour le 21e siècle.

Soigner les tumeurs cérébrales pédiatriques : le cas de Lucas

L’équipe du Docteur Jacques Grill de Gustave Roussy, chez qui Marie-Anne Debily effectue sa recherche, a fait l’objet d’un traitement médiatique depuis une dépêche de l’AFP du 12 février dernier.

Depuis l’introduction du traitement par radiothérapie en 1959, aucune amélioration du temps de survie des enfants concernés n’a pu être constatée et par conséquent aucune tumeur de ce type n’a été soignée. Ces tumeurs cérébrales, les gliomes infiltrants de la ligne médiane, étaient jusque-là réputées incurables : la quasi-totalité des enfants décèdent dans les deux ans suivant le diagnostic.

Lucas, diagnostiqué il y a 6 ans par l’équipe du Docteur Jacques Grill est toujours vivant et donc guéri de sa tumeur. Pour le moment le cas de guérison de Lucas est unique mondialement, c’est ce qui ouvre la porte à l’espoir de trouver enfin une stratégie efficace dans ces tumeurs.

La tumeur de Lucas a été séquencée au laboratoire et une deuxième altération de sa tumeur non retrouvée dans les autres patients a pu être identifiée.  L’hypothèse formulée par les chercheurs est que ce deuxième événement a permis à ces cellules de répondre au traitement qu’il a reçu au cours de l’essai clinique, ce qui est actuellement en cours d’évaluation au laboratoire à partir d’échantillons d’autres patients. Le passage de la recherche fondamentale à son application clinique s’illustre parfaitement dans le cas de cet enfant.

 Si le cas de Lucas peut être reproduit cela ouvrira la porte à de nouvelles stratégies thérapeutiques basées sur des médicaments existants, ou qui se poursuivra par le développement de nouveaux médicaments, ce qui sera bien plus long.

Peut-on parler de guérison ? En imagerie, il apparait que la tumeur de Lucas a totalement disparu. Dans ce sens on peut parler de guérison. Cependant, Il faut rester prudent puisque l’équipe n’a pas encore un recul de nombreuses années. Ce cas de guérison unique offre cependant des perspectives importantes quant aux futurs développements thérapeutiques pour lutter contre cette maladie.

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