Bioproduire grâce aux bactéries – Comment moduler l’expression des gènes chez les Clostridia ?

Le chercheur Andrew Tolonen et son équipe nouvellement créée grâce au programme Atige* de Genopole, ont développé un ensemble d’outils biotechnologiques pour la transformation génétique et le contrôle de l’expression des gènes chez les bactéries du genre Clostridium, au sein du laboratoire UMR Genoscope Metabolic genomics de l'Université d'Évry Paris-Saclay. 

Ces travaux ouvrent la voie à des applications de production par voie biologique. Les Clostridia, capables de fermenter la biomasse végétale, notamment les fibres lignocellulosiques présentes dans les débris végétaux, pourraient ainsi produire des molécules à haute valeur ajoutée comme des médicaments ou autres composés d’intérêt.

L’équipe d’Andrew Tolonen, composée de Tom Zaplana (doctorant), Ali Khazem (Master 2, mSSB Université d'Évry Paris-Saclay), Magali Boutard (technicienne supérieure), Paul Weimer (Master 2, mSSB Université d'Évry Paris-Saclay), Solange Miele (chercheuse), installée dans l’Unité de Génomique métabolique (CEA/CNRS/Université d’Évry Paris-Saclay) du laboratoire Genoscope, a développé une approche méthodique pour optimiser l’ingénierie génétique de Clostridium phytofermentans, utilisée ici comme espèce modèle pour une application plus large au genre Clostridium. Le groupe de scientifiques a tout d’abord optimisé la transformation génétique de la bactérie, puis recherché les moyens de moduler l’expression des gènes d’intérêt apportés.

Clostridium phytofermentans est capable d’utiliser comme substrat la lignocellulose contenue dans les fibres végétales et de la transformer en différents composés. Les travaux des chercheurs génopolitains ont apporté à cette bactérie les outils biotechnologiques et les méthodes qui faisaient défaut pour valoriser cette propriété pour des applications de bioproduction.

La boîte à outils créée par l’équipe évryenne comprend :

  • Une méthode simple d’électroporation permettant l’entrée à travers la paroi bactérienne de l’ADN portant le gène d’intérêt, sous l’effet d’un courant électrique.
  • Des plasmides, éléments d’ADN circulaire dans lesquels le fragment d’ADN peut être inséré, jouant ainsi le rôle de vecteurs, sélectionnés pour optimiser la transformation de Clostridium phytofermentans.
  • Des gènes de résistance à des antibiotiques, dits « marqueurs », fonctionnels chez les Clostridia pour sélectionner les bactéries correctement transformées en les cultivant sur des milieux complémentés de ces antibiotiques.
  • Un ensemble de promoteurs dont l’insertion en amont du gène d’intérêt active de 4 à 2000 fois son expression.
  • Un promoteur modulant l’expression du gène sous l’action double d’un répresseur chimique et d’un inhibiteur de répression, en ajustant leurs concentrations respectives.
  • Un système dit « d’interférence » reposant sur le complexe Crispr-dCas12, réunissant ces éléments régulateurs pour pouvoir expérimentalement contrôler de manière coordonnée l’expression des gènes apportés à la bactérie et des gènes assurant son métabolisme ; le complexe Crispr-Cas connu pour couper l’ADN en un site bien précis utilise ici la même technique de guidage pour réprimer spécifiquement l’expression d’un gène.

Le set complet de méthodes et outils d’ingénierie génétique développé par l’équipe évryenne ouvrent des perspectives de régulation fine de l’expression des gènes chez les Clostridia. Ces bactéries sont prometteuses pour transformer les ressources de carbone renouvelables, notamment la biomasse végétale, en molécules d’intérêt. Il serait ainsi envisageable de moduler différentiellement l’expression des gènes naturels de la bactérie pour surexprimer un gène particulier, produisant une protéine utile pour l’industrie, ou d’insérer un gène d’intérêt et réprimer les gènes métaboliques naturels de la bactérie au profit de ce gène.

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