Détecter des biomarqueurs de la coagulation par un nanopore naturel

Une équipe du laboratoire génopolitain Analyse et Modélisation pour la Biologie et l’Environnement (Lambe – Université d’Évry/Université de Cergy Pontoise/CNRS), en collaboration avec le Centre de ressources biologiques de l’hôpital Lariboisière et la start-up Dreampore, a démontré le potentiel d’un nanopore naturel pour détecter des biomarqueurs de troubles de la coagulation associés aux AVC, accidents cardiovasculaires et cancers. Ces travaux publiés dans la revue ACS Central Science le 3 février 2023 ouvrent la voie à de nouveaux tests de diagnostic médical, rapides et précis.

Face à la croissance de la population mondiale et son vieillissement, un des défis majeurs en matière de santé est le diagnostic précoce et précis des maladies graves à des fins de prévention et de prise en charge personnalisée. Pour cela, des tests très sensibles de détection directe des biomarqueurs à partir des fluides biologiques comme le sang ou l’urine doivent être développés. Les auteurs ont choisi une famille de biomarqueurs d’importance médicale reconnue pour faire la preuve de concept d’une approche originale de détection électrique via un nanopore.

Les troubles de la coagulation associés à un accident vasculaire cérébral, une crise cardiaque ou un cancer sont reliés en particulier à une augmentation de la concentration sanguine et urinaire du fibrinopeptide A (FPA). Ce biomarqueur existe sous plusieurs formes, natif, modifié par un phosphate (modification post-traductionnelle) ou clivé pour former des molécules plus courtes. Les dosages actuels sont longs et différencient difficilement ces dérivés. Le biomarqueur est de ce fait sous-utilisé pour la pratique clinique de routine.

La traversée du biomarqueur dans le nanopore génère un signal électrique spécifique

Le professeur des universités Juan Pelta, lauréat 2007 du programme Atige de Genopole, et son équipe ont mis au point une technologie d’identification des acides aminés et courtes chaînes d’acides aminés (dites « peptides »). Leur approche exploite la propriété d’une molécule naturelle, l’aérolysine, de former des pores nanométriques dans les membranes des cellules. Les scientifiques ont inséré ce nanopore dans une membrane de lipides par ailleurs imperméable, séparant deux compartiments remplis d’une solution. Sous l’action d’un champ électrique, les molécules de la solution sont entraînées vers le nanopore et le traversent, une par une, bloquant ainsi partiellement et temporairement le courant ionique. Le signal électrique généré par leur passage est spécifique de leur forme, de leur taille et de leur modification chimique.

L’équipe a appliqué la méthode au fibrinopeptide A. Les chercheurs sont ainsi parvenus à détecter et identifier le biomarqueur peptidique ainsi que ses différents dérivés en mélange dans une solution : la forme phosphorylée et les peptides de plus petites tailles issus de sa dégradation ont pu être différenciés par des signaux électriques uniques caractérisés par deux paramètres, le temps d’immobilisation dans le nanopore et le niveau de blocage du courant électrique mesurés lors du passage du nanopore.

Une méthode prometteuse de diagnostic médical

Le système de détection électrique via le nanopore d’aérolysine mis au point par les chercheurs génopolitains et de Cergy Pontoise ouvre des perspectives prometteuses de diagnostic de précision.
Restent à relever deux défis :

  • (1) pouvoir détecter de très faibles concentrations dans les fluides biologiques, pour un diagnostic précoce, en créant par exemple des nanopores d’aérolysine modifiés pour augmenter les forces d’entraînement dans le pore (pression et voltage) et ainsi optimiser la chance de passage du biomarqueur même à très faible concentration ;
  • (2) réussir à identifier des biomarqueurs d’intérêt parmi de nombreuses autres petites molécules dans un mélange complexe comme le sang ou l’urine.
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