Julie Poulain, ingénieure globe-trotteuse pour comprendre le vivant

Pour aider les scientifiques à comprendre la biodiversité, Julie Poulain organise les analyses génétiques des expéditions comme Tara Océan1. A l’interface de la technique et des scientifiques, elle parcourt le monde pour améliorer la prise d’échantillons et leur séquençage.

©photo : GillesMartin

Qui ne rêverait d’exercer le métier de Julie Poulain ?  Non seulement il est utile – car mieux connaître la vie et la biodiversité des océans est essentiel – mais en plus, il lui permet de partir régulièrement au bout du monde pour participer aux campagnes de prélèvement et d’analyse d’échantillons. Julie Poulain est ingénieure de recherche au Genoscope à Evry. A l’interface entre les chercheurs et la technique. « C’est là que je dois être, c’est dans ce rôle que je me sens bien, assure-t-elle. Proche des questions de recherche, et sur le terrain, sur la goélette Tara ou sur le navire d’exploration Pourquoi pas ?. »

S’adapter aux contraintes du terrain

Les questions techniques l’ont toujours intéressée : après un bac technologique en sciences et techniques de laboratoires, elle obtient BTS d’analyses biologiques. Mais cela mène essentiellement aux analyses routinières dans les laboratoires médicaux. Pas très enthousiasmant pour Julie Poulain, qui reprend ses études jusqu’à un diplôme d’études approfondies (l’équivalent du master-2) de biologie microbienne. Elle ne souhaite pas continuer en thèse, ingénieure lui convient mieux : toujours ce goût de la technique, qui la mène au Génoscope, en tant que manager des équipes de séquençage.

Elle se retrouve rapidement à gérer des projets, notamment en 2009 le séquençage pour l’expédition Tara Océans, qui visait à observer les effets du réchauffement climatique sur le plancton et les coraux.Pour cela, elle doit aller sur les navires. 

C’était important d’aller sur place pour mettre en place les meilleurs protocoles d’échantillonnage possible en fonction des contraintes du terrain, souligne-t-elle. Par exemple, travailler vite pour que l’ADN et l’ARN ne se dégradent pas. Cela me permet aussi de mieux comprendre certains résultats ». Elle a ainsi effectué cinq séjours de deux à cinq semaines chacun pour Tara Océan et Tara Polar Circle. « Le terrain, c’est ma bulle d’air, ça me permet d’être sur le terrain et d’interagir avec des scientifiques du monde entier, c’est très stimulant.

Séquencer coraux et sédiments

Elle participe également à Tara Pacific, où elle est encore plus impliquée : elle met au point un protocole de préservation et d’extraction des échantillons de coraux.  Puis, épaulée par l’équipe technique du laboratoire de séquençage, elle réceptionne l’ensemble des échantillons, les répertorie, les répartit dans les laboratoires qui effectuent les analyses autres que génomiques (réalisées au Genoscope) comme les analyses morphologiques ou chimiques. 

Il faut pouvoir travailler avec un grand nombre d’échantillons, s’adapter aux contraintes sur le bateau (la place et la température notamment), tout en respectant nos pré-requis sur la qualité des échantillons, indique l’ingénieure.

Les conditions d’analyse sont spartiates, dans une cabine exiguë, mais le système D pour s’adapter aux contraintes du terrain fait aussi le charme du métier.

En plus de Tara, Julie Poulain est en charge d’un projet de génomique de l’environnement dans les abysses. Sur le bateau Pourquoi pas ?, elle participe au prélèvement de sédiments situés à près de 5000 mètres de profondeur. Tout comme lors de Tara Pacific, elle a réalisé des tests préliminaires pour séquencer directement certains échantillons avec sur le bateau grâce à une nouvelle technique dite de séquençage par nanopores. « Cela permettrait par exemple de ne pas tout échantillonner, de faire des analyses préliminaires pour identifier ce qui est intéressant ou pas », explique-t-elle. 

« À ma place »

Goût du terrain et interaction avec d’autres professionnels : ce sont les deux motivations principales de Julie Poulain. 

Quand un projet se monte, les expertises se retrouvent ensemble, chacun est à sa place on trouve des solutions pour répondre aux questions qui se posent, décrit l’ingénieure. J’adore ma place, à l’interface de plein de corps de métier : chercheurs, techniciens, informaticiens, spécialistes des achats, comptables … J’aime le travail en équipe, lorsque chacun apporte sa pierre à l’édifice.

Quant aux expéditions sur le terrain, c’est un moment étonnant, hors du temps. « Tara est tout petit, il y a beaucoup de promiscuité, mais le sentiment de liberté est incroyable, s’enthousiasme-t-elle. On est dans une bulle, déconnectés de la vie quotidienne, même si on travaille énormément. Le retour à terre est brutal, mais les enfants me remettent vite les pieds sur terre ! »

Comptage de poissons à Tahiti

Julie Poulain repart mi 2021 pour un séjour d’un an à Tahiti, avec sa famille.

Objectif : développer des projets de suivi de la biodiversité dans les récifs coralliens, avec la technique de séquençage par nanopores.

Nous souhaitons dresser un inventaire exhaustif des poissons, explique-t-elle. Aujourd’hui, les méthodes sont très invasives : pour n’en rater aucun, les scientifiques utilisent un poison, puis prélèvent tous les poissons asphyxiés. L’autre solution est de recourir à un plongeur qui les compte, mais impossible d’être exhaustif. Nous allons donc mettre en place une nouvelle méthode : à partir d’un échantillon d’eau, nous séquençons certains gènes à partir d’ADN se trouvant plus ou moins libre dans l’eau, provenant du mucus, d’écailles ou des gamètes des poissons. Cela nous permet de faire un inventaire sans toucher aux poissons.

Cependant, de nombreuses questions restent à résoudre : combien d’eau prélever, combien de fois, à quelle profondeur… ? C’est pour créer un protocole que Julie Poulain doit travailler sur place, d’abord à Moorea, puis sur d’autres sites. Quand on vous dit que c’est un métier de rêve !

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